Présents dans la finance et dans le marketing, les algorithmes commencent à s’imposer dans le secteur du recrutement.
Le BHV Marais a trouvé la solution pour trouver la perle rare et éviter les erreurs de casting : le recrutement prédictif. « Il s’agit d’une technique qui permet, grâce à des algorithmes, d’anticiper de manière fiable les probabilités de réussite d’un salarié. Par réussite on entend sa performance et le fait d’être heureux et engagé dans son travail », explique David Bernard, directeur d’AssessFirst, une entreprise spécialisée dans la conception de plateformes de recrutement prédictif.
« L’utilisation de modèles prédictifs basés sur des algorithmes existe depuis une vingtaine d’année dans la finance ou dans le marketing pour prédire le comportement du consommateur. Depuis 2014, ce type de modèle commence à séduire le monde du recrutement car il réduit les incertitudes », estime David Bernard. L’offre de recrutement prédictif d’AssessFirst existe depuis 18 mois et a déjà réalisé 18 000 recrutements.
Le recrutement prédictif réduit les incertitudes et évite les erreurs de casting
Aujourd’hui de plus en plus d’entreprises se présentent sur ce marché, des mastodontes des ressources humaines comme Cornerstoneaux entreprises spécialisées dans les tests psychométriques comme CEB ou encore le québécois D teck.
« La montée en puissance du recrutement prédictif est liée au Big Data qui devient de plus en plus performant. Au quotidien j’observe également que la fonction RH est prête à utiliser de plus en plus de process pour réduire les risques », analyse Jean-Baptiste Audrerie, psychologue organisationnel spécialisé dans les algorithmes de recrutement.
La mise en place d’une plateforme de recrutement se fait de la manière suivante : « Dans un premier temps, le concepteur de la plateforme peut faire un audit interne dans l’entreprise pour mesurer les compétences qui sont nécessaires pour réussir dans le poste recherché. Il peut par exemple se baser sur les évaluations desentretiens professionnels ou les fiches de poste. A partir de là, il développe son algorithme. Cependant, la plupart des plateformes de recrutement prédictif possèdent des modèles généralistes qui mesurent la capacité de raisonnement, la motivation, la personnalité nécessaire pour réussir dans certains postes qui vont du commercial au conseiller clientèle. Le choix des métiers est vaste », confie David Bernard.
Une fois l’algorithme prêt, les spécialistes conçoivent un questionnaire qui comprend entre 50 et 100 questions auquel le candidat répond en une quinzaine de minutes. Il peut s’agir de questions portant sur notre perfectionnisme, notre capacité commerciale ou encore notre rapport avec le client. A l’issue du questionnaire, l’employeur reçoit un pourcentage d’adéquation entre le profil du candidat et les attentes de l’entreprise. « Tout dépend des attentes du recruteur mais nous pensons qu’à partir d’un taux d’adéquation de 60%, il est pertinent de convoquer un candidat à un entretien », témoigne David Bernard.
Fathallah Charef, directeur des ressources humaines du BHV Marais, fait partie des adeptes du recrutement prédictif. Depuis un an, il utilise la plateforme développée par AssessFirst. « Chaque année, nous recrutons entre 500 et 600 collaborateurs. Mais notre politique de recrutement était très chronophage. Nous débutions par un entretien téléphonique, un entretien de groupe puis deux à trois entretiens individuels. Malgré cela, les erreurs de castings étaient trop nombreuses, il fallait changer notre façon de faire ».
Pour éviter un turn-over élevé et ce long processus de recrutement, l’équipe de Fathallah Charef a développé avec AssessFirst un « job profiler », c’est à dire un algorithme conçu sur mesure.
« Le but était d’identifier et de cartographier les compétences nécessaires pour être un bon vendeur en mesurant des qualités comme l’accueil du client ou la force de vente en une dizaine de minutes », témoigne le directeur des ressources humaines.
Finalement, les résultats sont au rendez-vous : « Grâce à cet algorithme, nous avons réduit d’un tiers la durée du processus de recrutement, qui est passée de 45 à 30 jours, tandis que le taux de turn-over a été considérablement réduit. Désormais nous utilisons également le recrutement prédictif pour les managers », s’enthousiasme Fathallah Charef.
« Le développement du recrutement prédictif nourrit une peur tout à fait légitime : le risque de déshumaniser le recrutement en laissant aux algorithmes le soin de sélectionner les candidats sans prendre la peine de les rencontrer. Mais en analysant bien les résultats, on se rend compte que ce n’est pas du tout le cas. Au contraire, ce mode de recrutement est profondément humain dans la mesure où il révèle les talents de tous sans prendre en compte l’école, le nom du master, l’origine ou l’âge », explique Jean-Baptiste Audrerie.
« Ce système permet de révéler des potentiels que les recruteurs n’auraient jamais pris la peine de rencontrer »
Un avis partagé par David Bernard : « Le recrutement prédictif permet de révéler des potentiels que des recruteurs n’auraient jamais pris la peine de rencontrer. Petite anecdote, en se basant sur le recrutement prédictif, Berner, une société qui vend de l’outillage professionnel, a recruté une commerciale qui explose tous les records de vente. Il s’agit d’une fleuriste qui ne connaissait rien au secteur. Avec un CV et une lettre de motivation traditionnelle, elle n’aurait jamais décroché un entretien », s’amuse le spécialiste.
De plus le recrutement prédictif permet aux candidats qui décrochent un entretien d’avoir un échange constructif. « D’emblée, le recruteur sait que le candidat est potentiellement performant. Plus besoin de perdre du temps à poser des questions sur le diplôme, les qualités, les défauts », développe David Bernard.
« Les candidats qui ne sont pas reçus à un entretien reçoivent un feedback personnalisé »
Toutefois les candidats qui ne sont pas retenus pour un entretien peuvent trouver bien inhumain le fait d’être éliminé après un simple test d’une dizaine de minutes. « Cela peut déconcerter », reconnaît David Bernard. « Mais les candidats qui ne sont pas reçus à un entretien reçoivent un feedback personnalisé qui explique quel secteur, poste ou taille d’entreprise correspond le plus à leur profil. Ils ne sont pas laissés abandonnés à eux même. D’ici neuf mois nous serons même en mesure de proposer des offres qui leur correspondent grâce à notre nombre important d’offres d’emploi sur la plateforme. Cela est bien plus humain qu’un message robotisé annonçant à un candidat qu’il n’aura pas le poste pour lequel il avait passé un entretien qu’il pensait avoir réussi ».